Si vous êtes accro aux techniques de productivité, vous connaissez peut-être déjà la « règle des 3 emails », diffusée par l’auteur Phil Simon. Cette règle est assez simple : si un message déclenche un échange d’au moins trois emails, la conversion doit se poursuivre au téléphone, en face à face, ou en réunion si besoin.
L’objectif est simple : éviter de s’enliser dans des échanges de mails interminables, où l’on finit par perdre les informations essentielles. La situation est pire si d’autres destinataires sont en copie. Phil Simon conseille également, comme il le fait lui-même, de prévenir les destinataires en écrivant une petite phrase à ce sujet dans sa signature électronique.
La première fois que j’ai pris connaissance de cette règle, je l’ai trouvé intéressante. Après tout, elle part d’un bon sentiment : alléger un peu notre boite mail et retrouver le chemin de la discussion directe lorsque cela est plus efficace.
Toutefois, après réflexion, je me suis demandé si ce n’était pas un palliatif à un problème plus profond.
Pourquoi écrivons-nous des conversations de plus de trois mails ?
OK, nous sommes tous passés par des conversations par email à rallonge. Et, très probablement, il y en a encore un bon paquet dans votre boite mail. Qu’est-ce qui se passe pour en arriver là ?
Voici quelques exemples de situations qui ont mal tourné :
- Il y a bien trop de destinataires en copie du mail initial. Conséquence : tout le monde répond avec son bout d’information / son avis sur la question / son petit commentaire, quand ce n’est pas sa petite blague douteuse.
- Le mail initial posait une question, à laquelle il a obtenu une réponse. Mais cette réponse soulève une ou plusieurs autres questions… et ainsi de suite.
- Le message initial n’est pas clair, et soulève un grand classique : le quiproquo. Avec un peu de chance, ce dernier donnera de petits quiproquos qui permettront à la conversation de ne jamais se terminer. Avec encore un peu plus de chance, d’autres destinataires seront ajoutés dans la boucle pour tenir lieu de témoins, et on se retrouvera également dans le cas #1.
- Le sujet initial a été traité, mais la conversation a dérivé sur d’autres sujets, qui ont eux-mêmes été traités, mais maintenant on en est à s’interroger sur ce que donnera la prochaine réorganisation, tout en se demandant où est passé le fichier X. On n’est pas sortis de l’auberge.
- La conversation a dérivé vers des sujets personnels : on en profite pour se raconter ses vacances, prendre des nouvelles des enfants… bonne chance pour retrouver les éléments importants qui ont été échangés dans le sujet initial.
- Le message initial traitait de plusieurs sujets, qui demandaient des traitements différents. Au bout de quelques semaines, la plupart ont été traités depuis longtemps, mais la chaine de mails continue pour finaliser l’organisation de la prochaine réunion trimestrielle (le dernier sujet évoqué dans le mail de départ).
Je pourrais continuer longtemps comme ça !
Si vous aussi, vous avez des exemples de situations qui provoquent des échanges mail à rallonge, ajoutez-les en commentaire !
La règle des 3 emails est donc là pour couper court à ces échanges sans fin, et c’est une intention louable. Mais ne pourrait-on pas plutôt se concentrer sur le début et se demander : « comment fait-on pour ne pas en arriver là ? »
Bien se préparer à la rédaction d’un email
« Oh non merci, des emails, j’en écris des dizaines par jour, donc je suis rôdé(e) ! » Vous êtes sûr(e) ? Un des grands problèmes créés par la massification de la communication par mail est que, puisque tout le monde en écrit tout le temps, chacun pense être à l’aise avec la question. Dans les faits, on en est loin, et c’est normal. Finalement, c’est un exercice assez particulier pour lequel on est rarement formé autrement que « sur le tas ».
Il y a donc une astuce très simple, qui consiste à consacrer 2 minutes à prendre un peu de recul avant de se lancer dans la rédaction d’un email. Et cette astuce, on a tendance à s’en passer. Peut-être parce qu’on n’a pas envie de se retrouver x années en arrière, en cours de philo, à apprendre à faire le plan d’une dissertation. Pourtant, si consacrer quelques minutes à la préparation d’un message important peut éviter de perdre des heures ou des jours dans le vortex de la conversation qui n’en finit plus, ou de se retrouver dans une réunion qui n’aurait jamais dû être organisée, alors cela vaut peut-être le coup de se faire violence.
Ok, alors on fait comment ? 👇
1. On choisit le bon canal de communication pour le bon message
Si l’on reprend les exemples donnés précédemment, on se rend compte que du temps aurait été gagné en choisissant un autre canal que l’email. Pour le cas où les destinataires sont trop nombreux à avoir quelque chose à apporter à la conversation, on organise directement une réunion. Pour discuter de ses vacances, on passe par le chat. Pour communiquer un compte-rendu et demander des commentaires, on le partage dans un espace de stockage commun, et l’email ne fait part que de cette mise à disposition et des attentes le concernant.
2. On anticipe les réponses
Vous avez une question à poser. La réponse décidera du scénario à suivre, qui comportera de nouvelles interrogations… Prenez le temps de réfléchir à la suite pour poser toutes vos questions en une fois. Vous obtiendrez plus facilement une réponse complète qui vous permettra vraiment d’avancer dans vos projets. Par exemple :
❌ « Le projet XXX nécessite-t-il un suivi particulier ? »
✔ « Le projet XXX nécessite-t-il un suivi particulier ? Si oui, à quelle fréquence et avec quels participants ? »
L’idéal est d’être proactif et d’anticiper les réponses de son interlocuteur pour proposer une « solution clé en main ». Si vous aviez attendu chaque réponse pour poser une nouvelle question (chacune dans un mail différent, bien sûr), la version finale aurait peut-être été différente de votre proposition complète. Mais comme c’est plus facile pour votre interlocuteur de répondre « ok, faisons comme tu le proposes », c’est aussi une manière d’organiser les choses comme vous le souhaitez.
3. On reste clair : un email = un objectif
Oui, même si vous avez 6 points différents à adresser au même interlocuteur, je vous conseille de le faire dans 6 messages différents (s’ils n’ont pas de rapport entre eux, évidemment). Je l’admets, cela peut sembler contre-productif puisque l’on parle de réduire le volume de mails de sa boite aux lettres. Mais gardez en tête que le niveau de priorité de ces différents points est certainement différent, que votre interlocuteur aura peut-être besoin de temps de traitement (actions à mettre en oeuvre, informations à se procurer, etc.) avant de vous répondre sur d’autres points… Adresser chaque sujet dans un message à part vous permettra, en plus de gagner en clarté, de clôturer ces sujets un par un, au fil de l’eau, sans créer de confusion.
4. On prend le temps de se relire
Si vous me connaissez un peu, vous savez que je ne vous lâcherai jamais avec ça : prenez le temps de vous relire, si possible « à froid », après un certain temps. Mettez-vous dans la peau de votre interlocuteur : tous les éléments permettant la compréhension sont-ils bien présents, est-ce assez concis, assez clair, le bon ton, pas de formulation ambiguë, y a-t-il un appel à l’action clair et précis ? Si vous voulez aller plus loin sur ce sujet, je vous conseille cet article qui vous aidera à écrire des mails clairs et précis même quand vous êtes pressés par le temps.
En conclusion : la règle des 3 emails est une méthode intéressante, mais qui peut être évitée !
Vous l’aurez compris, je suis pour travailler sur les causes de la multiplication des mails plutôt que se concentrer à gérer les conséquences. Néanmoins, la règle des 3 emails reste pertinente et intéressante à utiliser quand on se rend compte que l’on s’embarque dans une discussion interminable. Bonus : provoquer une discussion de vive voix après 3 mails permettra sans doute à vos interlocuteurs de prendre le réflexe de décrocher leur téléphone au lieu d’envoyer un énième mail quotidien !
Alors, qu’allez-vous mettre en place à présent ?
Très instructif et détaillé, ton article encourage le passage à l’action merci !
Merci Sandra pour ce retour !